1-Détection automatique de mariages consanguins

1-Détection automatique de mariages consanguins

 Recensements de circuits matrimoniaux

 

A l’intérieur d’une même généalogie interfamiliale, il est toujours possible de relier un individu A à un individu B suivant un cheminement de liens de parenté qui n’appartiennent qu’à deux grandes familles de relations : l’alliance et la filiation. Mais si ces deux individus sont aussi unis directement par les liens du mariage, alors cette chaîne qui se boucle à la fin par une relation matrimoniale s’appelle un circuit matrimonial. Regardez par exemple cette excellente illustration proposée par mes collègues Anaël Durand et Tommy Kajl de Cadet Généalogie, la famille Bonheur-Peyrol, dont l’arbre a été utilisé comme support d’un fameux escape game lors du dernier salon généalogique de Paris.

Nous observons un circuit matrimonial, une boucle qui relie le mariage de Juliette Bonheur et de François Peyrol avec le mariage de Raymond Bonheur père de Juliette avec Marguerite PICARD veuve de François Peyrol et mère de François. Il traduit ici deux alliances qui relient la famille Bonheur avec la famille Peyrol.

Circuit matrimonial dans la famille Bonheur-Peyrol

Figure n° 1 : exemple de circuit matrimonial dans l’arbre généalogique Bonheur-Payol proposé par la société Cadet généalogie dans le cadre d’un escape game organisé au salon de la généalogie de Paris

L’idée est alors de rechercher des parents communs proches ou des ancêtres communs à des familles différentes dans ce circuit matrimonial, donc de détecter des mariages consanguins ou des redoublements de mariages entre familles. Bien sûr, ce recensement ne se fait pas manuellement, mais à l’aide d’un logiciel qui s’appelle Puck et que je vais évoquer dans les lignes qui suivent.

Prenons maintenant l’exemple illustré dans la figure n°2 d’un circuit matrimonial reliant un certain Albert Joseph GOUDEMETZ à une autre Augustine Josephe PAYEN (les chiffres sont les numéros des individus dans la base du logiciel, rien à voir avec le numéro SOSA). On décrit ce circuit suivant la notation positionnelle qui suit.

Circiut matrimonial entre Albert Joseph Goudemetz et Augustine Josephe Payen

Figure n°2 : notation positionnelle du circuit décrit ci-dessus : 13816 (13817 13818) 14055 . 13785 (4527 7345) 13782 ou H()F.H()F

Notation positionnelle

La notation du circuit représenté sur la figure n°2 s’écrit : 13816 (13817 13818) 14055 . 13785 (4527 7345) 13782 ou H()F.H()F. Explicitons cette notation. Les deux notations sont équivalentes, sauf que celle de gauche remplace les individus cités dans la notation de droite par leur numéro dans la base du logiciel. La notation de droite est constitutée :

– Des caractères « H » (Homme), « F » (Femme), un « X » désignant l’un ou l’autre ;
– Deux signes diacritiques : le point qui indique un mariage et les parenthèses () qui entourent la position apicale, en fait le dernier ancêtre ou couple d’ancêtres de la chaîne considérée, (13817 13818) étant le couple Albert Goudemetz et sa femme Marie Joseph Dupuich. La chaîne ne remonte pas plus haut, ce sont des ancêtres apicaux, dont on redescend ensuite.

La lecture est réalisée de gauche à droite, et au départ, dans le sens des ascendants. L’apparition d’une parenthèse fermante ou d’un point inverse le sens du parcours (d’un sens ascendant, on passe à un sens descendant et vice-versa).

Détection automatique de mariages consanguins et de redoublements d’alliance

A partir d’un corpus de familles souvent stocké sous un format GEDCOM, l’objectif est maintenant de recenser les différents types de circuits matrimoniaux. Il nous sera facile, même si la dispense de consanguinité n’est pas mentionnée dans l’acte de mariage, d’identifier des mariages qui ne respectent pas les interdits canoniques. Le comput dit canonique compte les degrés qui séparent les descendants de leur ancêtre communs. Sous l’Ancien Régime, à partir du concile de Latran IV de 1215, les mariages interdits sont de degré inférieur ou égal à 4. Pour simplifier, je n’évoque pas ici les interdits d’alliances dans l’affinité. Dans ce contexte, il est intéressant de demander au logiciel Puck de recencer les circuits matrimoniaux d’ordre 1.

Exemples de circuits matrimoniaux d'ordre 1 - cas de mariages consanguins

Figure n°3 : différents circuits matrimoniaux d’ordre 1 ou mariages consanguins

Les circuits matrimoniaux d’ordre 1 relient deux individus mariés et ne contiennent aucun autre lien matrimonial dans la chaîne comme on le voit à gauche sur la figure n°3. Il s’agit donc bien de mariages consanguins.

La profondeur généalogique maximale, quant à elle, est la longueur du plus long chemin orienté vers les ascendants, qui part des individus A et B de départ qui bouclent le circuit avec l’ancêtre apical, l’ancêtre en commun au sommet du circuit. Pour recenser les mariages consanguins interdits, il faut donc faire la recherche systématique et automatisée de l’ensemble des circuits d’ordre 1 et de profondeur maximale 4.

Comme on peut le voir dans la figure n°3, le circuit d’ordre 1 et de profondeur 3 entre dans les circuits interdits recherchés.

La famille aurait attendu un peu, les deux mariés auraient pu suivre le modèle canonique autorisé du circuit matrimonial de droite, d’ordre 1 et de profondeur 5. Mais si les époux étaient pressés, ils ont du faire une demande de dispense de consanguinité.

Redoublements et réenchaînements d’alliances

Toutefois, les familles ont d’autres procédés pour organiser des mariages arrangés avantageux en contournant les interdits.

Il suffit pour cela de quérir quelques familles complices et d’étendre ainsi l’ordre des circuits. Plus on a de chances d’accroître cet ordre et donc d’entrer en relation avec un nombre de familles plus important, plus l’interdit de parenté a la certitude d’être respecté, si toutefois cette famille « complice » est suffisamment éloignée en terme de degré de parenté de la première. Mais là encore, le logiciel pourra nous le dire.

Ainsi, comme indiqué sur la figure n°4, au lieu de rechercher une fiancée dans son propre groupe de parenté, la famille organise un circuit d’ordre 2 avec un mariage intermédiaire reliant deux familles différentes dans le circuit matrimonial qui relie les deux extrémités, le carré bleu à gauche au carré rose à droite. On sort donc du groupe consanguin, deux mariages successifs relient deux familles différentes à des dates diférentes. C’est un redoublement de mariages. C’est ainsi le cas des deux circuits reliant la famille Bonheur à la famille Peyrol observés au début de l’article.

Mais la famille peut chercher plus loin, et s’associer avec deux autres familles pour former un circuit matrimonial d’ordre 3, avec deux mariages intermédiaires dans le circuit matrimonial. On parle alors de réenchaînement matrimonial. Alors bien sûr, cela implique que ces deux ou trois familles s’entendent bien, voire sont déjà imbriquées dans un réseau, qui plus est, un réseau de parentés.

L’accroissement de l’ordre du circuit constitue ainsi un bon moyen d’échapper aux interdits matrimoniaux. Il s’agit donc là d’une illustration des réenchaînements matrimoniaux.

image 2

Figure n° 4. A gauche, circuit matrimonial d’ordre 2, de profondeur 3, à droite circuit d’ordre 3, de profondeur 2 d’après Hamberger Klaus, Grange Cyril, Houseman Michael et Momon Christian, « Scanning for patterns of relationship : analyzing kinship and marriage networks with Puck 2.0 », The History of the Family, vol. 19, no 4, 2014, p. 9

Cas pratique : détection automatique de mariages consanguins et de réenchainements de mariages

Couple Charles Auguste Bancourt et Anysie Céline BACHELET dans le logiciel Puck

Figure n°5 : exemple d’un couple et de ses enfants enregistrés dans le logiciel Puck

Paramétrage du recensement de circuit matrimonial dans le logiciel Puck

Figure n°6 : paramétrage du recensement « 3 3 » : recherche à la fois des circuits d’ordre 1 et de profondeur généalogique maximale 3 et des circuits d’ordre 2 et de profondeur généalogique maximale 3

Réalisons maintenant une détection automatique de mariages consanguins (donc des implexes), de redoublements et de réenchaînements de mariages dans un corpus type d’une famille issue de fermiers de l’Artois au XIXe siècle, les Bancourt.

Pour réaliser cette détection automatique, nous établissons au préalable une ou plusieurs généalogies dans un logiciel classique comme Hérédis, puis nous exportons au format GEDCOM l’ensemble des individus. Ensuite, procédons à l’installation du logiciel Puck, téléchargeable depuis le site kinsource (avec l’application Java qui est indispensable pour son bon fonctionnement). Puck est un logiciel libre d’analyse de données généalogiques développé par l’équipe TIP, Traitement Informatique de la Parenté, qui rassemble des ethnologues, des historiens de la famille et des sociologues, du Laboratoire d’Anthropologie Sociale, de l’EHESS et de l’université de Nanterre, autour de Laurent Barry, Isabelle Daillant, Klaus Hamberger qui a conçu les algorithmes du logiciel, Michael Houseman et Douglas White. Il va nous être très utile pour recenser les circuits matrimoniaux des réseaux de parenté inclus dans le corpus d’étude de départ.

Observons d’abord sur la figure n°5 l’affichage d’une première famille dans Puck, par exemple celle de Charles Auguste Bancourt et de sa femme Anysie Célinie Bachelet, et de leurs six enfants. Charles est identifié comme le n°163, marié à Anysie qui porte le n° 174. Ses parents sont identifiés en haut à droite, Jean Baptiste Bancourt (n°287) et Augustine Josephe Thieble (n°304). Ils font partie des 688 individus du corpus de départ.

A partir de ce corpus, nous allons recenser l’ensemble des circuits matrimoniaux d’ordre 1 et de profondeur généalogique maximale 3. Il s’agit donc de l’ensemble des individus liés entre eux par des relations descendantes ou ascendantes (filiation) et impliquant un seul mariage, donc l’ensemble des mariages consanguins, dont l’ancêtre commun ne peut pas être éloigné de plus de trois degrés de chaque individu du couple. Cela implique aussi forcément la présence d’implexes.

Nous nous intéresserons aussi à l’ensemble des circuits matrimoniaux d’ordre 2 et de profondeur généalogique maximale 3. Cette fois-ci, ces circuits contiennent donc des redoublements de mariages, entre deux groupes familiaux, dont on remonte la profondeur généalogique jusqu’au degré maximal de 3 à partir des individus des couples étudiés. Il ne s’agit donc plus de mariages consanguins mais d’alliances qui unissent deux fois deux groupes familiaux, d’où le terme de redoublements de mariage.

La figure ci-contre n°6 montre le paramétrage du recensement qui se note « 3 3 » et est lancé dans l’onglet Analyse/Circuit Census du logiciel.

Ne nous attardons pas trop sur les paramètres un peu complexes du logiciel, mais plutôt sur la fenêtre des résultats présentée sur la figure n°7. Le système comptabilise 6 mariages consanguins d’ordre 1 et 40 circuits avec redoublement de mariages parmi les 688 individus du corpus, soit un total de 46 circuits impliquant 48 individus sur les 688 du corpus.

Regardons plus précisément parmi les 15 premiers circuits de la liste décrits sur la figure n°8, les circuits 1 à 6 qui sont des mariages consanguins et les suivants qui sont des redoublements de mariage. Nous allons par exemple interpréter le circuit n° 3 et le circuit n°14.

Le type du circuit n°3 est mentionné suivant deux terminologies différents, l’anglo-saxonne (MFBD= Mother Father Brother Daughter’s = alliance entre ego et la fille du frère du père de la mère d’ego, donc entre ego et la fille du grand-oncle maternel d’ego) que je ne détaillerai pas ici car je ne l’utilise pas, et la notation positionnelle que nous avons déjà vu par ailleurs :

HFH()HF, ou 1688 548 1734 (1722 1795) 13960 6382.

Enfin, le circuit précise l’identité du couple étudié, Emile Henri Joseph Bachelet (qui constitue le premier élément du circuit, le n°1688) qui épouse Sophie Caroline Florence Payen (le dernier individu du circuit, le n°6382), sachant qu’un circuit matrimonial reboucle toujours sur un mariage. Avec ces informations, nous sommes parvenus à reconstituer l’arbre généalogique qui relie les deux époux sur la figure n°9.

Que savons-nous sur ce mariage ? Il a bien existé puisque nous l’avons enregistré dans notre fichier GEDCOM (Archives départementales du Pas-de-Calais, acte n°5 du 13 juillet 1853, registre des naissances, mariages et décès de la commune de Neuville-Vitasse, 5MIR 611/3 vue 378/906). Et pourtant, bien évidemment il s’agit d’un mariage civil daté du XIXe siècle, donc rien ne nous est indiqué sur la proximité des époux. Et pourtant, ce mariage aurait été frappé d’un interdit canonique si un mariage religieux avait été prononcé, puisqu’il s’agit d’un mariage consanguin au troisième degré. Ou du moins, une dispense de consanguinité aurait du être demandée. En effet, grâce aux informations du circuit, nous déduisons les points suivants.

A partir de la gauche du circuit, on commence à monter dans les ascendants. Emile Bachelet, l’époux et n°1688, est le fils de l’individu féminin n°548, à savoir Sophie Thérèse Eugénie Joseph Payen, elle-même fille du n°1734, Jean-François Chrétien Marie Payen, lui-même fils du couple apical mis entre parenthèses (les individus du sommet de la pyramide qui nous intéresse), les n° 1772 et 1795, donc Louis François Eugène Payen marié à Marie Françoise Caroline Boniface.

Les parenthèses se referment, donc on redescend via les descendants. Le couple 1772-1795 est constitué des parents du numéro 13960, Louis Dominique Payen, lui-même père de la dame n° 6382, l’épouse du couple étudié, Sophie Thérèse Eugénie Joseph Payen. Le circuit parti de Emile Bachelet se termine par son épouse et se reboucle donc par leur mariage. Grâce au logiciel Genopro, nous retraçons facilement le circuit matrimonial. Comme vous pouvez le constater, nous n’avons plus besoin dans l’absolu de l’arbre généalogique présent dans l’enquête qui aboutit à la dispense religieuse de mariage.

Résultat d'une analyse Puck

Figure n°7 : synthèse des résultats d’une analyse de recensement du logiciel Puck

Liste de circuits matrimoniaux fournie par le logiciel Puck

Figure n°8 : partie de la liste des circuits matrimoniaux recensés par Puck, dont 6 circuits d’ordre 1 et les 9 premiers circuits d’ordre 2 parmi 40

Reconstitution des relations de parenté entre Emile Joseph BACHELET et Sophie Caroline Florence PAYEN

Figure n°9 : reconstitution de l’arbre généalogique du circuit n°3

Traitons le circuit n°14 de la même manière, à savoir le circuit :

HH()F.(H)F ou 13825 13826 (7431 7448) 7345.(4527) 13806.

Notons que ce circuit reliant Augustin Thelu (n°13825) à son épouse Marie Thérèse Rosalie Joseph Payen (n° 13806) passe par une autre alliance entre Marie Joseph Françoise Thelu (n°7345) et Pierre Michel Payen (n°4527), les deux étant séparés par un point qui symbolise le mariage dans la notation positionnelle.

Le schéma qui en résulte a la forme décrite sur la figure n°10, toujours tracée avec Genopro. Ce circuit met en avant un redoublement d’alliances entre le groupement de parenté des Thelu à gauche en rouge et celui des Payen à droite en vert. Pierre Michel Payen et Marie Joseph Françoise Thelu se sont mariés en 1737. Augustin Thelu et Marie Thérèse Rosalie Payen se sont mariés le 6 novembre 1770, soit 33 ans plus tard. Ce second mariage renforce donc les liens entre les deux parentés, créant un lien entre ces deux patrilignages dans le réseau d’alliances qui se développe ainsi.

Reconstitution des relations de parenté entre Augustin THELU et Marie Thérèse Rosalie Joseph PAYEN

Figure n°10 : reconstitution de l’arbre généalogique du circuit n°14

Certains puristes m’ont affirmé que Marie Thérèse Rosalie Joseph Payen est aussi une Thélu par la mère et donc ce réenchaînement d’alliance présente aussi un aspect de mariage consanguin. Certes, je le concède.

Mais l’information de réenchaînement m’a permis de mieux prendre un compte un troisième mariage entre Payen et Thelu qui a lieu en 1794, 24 ans après le second mariage. Les relations familiales étant devenues tellement étroites, ce mariage est considéré par le logiciel comme un mariage consanguin de degré 3, on le voit d’ailleurs décrit dans le circuit n°5 sur la figure n°8.

Mais là, la dispense de consanguinité pour un mariage de degré 3 est bien accordée et citée dans l’acte de mariage, ils ne l’ont pas oublié !!

Si nous continuons à analyser les résultats listés sur la figure n°8, le circuit n°1 est un mariage entre cousins germains de type HH()HF, donc d’ordre 1 et de profondeur généalogique 2. Ce dernier date de 1783, et l’acte de mariage décrit la dispense de consanguinité octroyée par le pape. Cette dispense et l’arbre généalogique associé étaient introuvables, aussi bien à l’évêché d’Arras (dommages de la première guerre mondiale) que dans les archives du Vatican, qui a bine voulu répondre à ma requête. Le logiciel a permis de palier ces lacunes, et apporte une grande aide dans le cas de corpus très importants, à l’échelle d’un village par exemple.

Ce thème a été abordé et présenté lors d’une présentation à mes collègues du réseau de généalogistes professionnels UPRO-G, je les remercie d’ailleurs de m’avoir permis de le faire. Le powerpoint que j’avais utilisé se trouve ici. Je remercie aussi mon collègue d’UPRO-G Gilles Lehoux pour nos discussions constructives autour de la méthode.

Je recherche la possiblité de proposer cette méthodologie à des associations ayant enregistrés un grand nombre de relations de parenté d’une même microrégion centrée sur quelques villages. J’en avais parlé à Paul Povoas du Groupement généalogique de la région du Nord (59-02-62-Belgique) lors du salon de généalogie de Paris, que je salue ici, je dois encore détailler le projet.

La suite logique d’un recensement de circuits matrimoniaux revient à retracer et reconstituer les réseaux de parenté et d’alliances entre familles à travers les siècles, méthode que je décris dans mon post sur les alliances matrimoniales.

Cet article est aussi une reprise plus pédagogique et je l’espère plus claire d’un ancien post d’un blog maintenant fermé. A l’époque j’avais reçu quelques réactions. Je remercie Isabelle Aubun administratrice du blog Mémo Nantais d’avoir illustré cette thématique avec une vision plus généalogique mais complémentaire de ce que j’avance, mais les liens précisés dans son article sont morts et remplacés par ce post et celui sur les alliances matrimoniales. Il faudra les mettre à jour dans son article sur les implexes dans le Mémo Nantais. Comme elle le précise bien, un mariage au XIXe siècle ou dans l’Ancien Régime ne se produit pas par hasard, mais constitue souvent le fruit de stratégies matrimoniales élaborées. Ils s’expliquent soit par des successions ou transmissions de terres (dans le grand marché de la Terre qui affecte nos ancêtres), soit par des raisons financières (le mariage de deux frères avec deux sœurs évite la constitution d’une dote ou les difficultés de partages inégalitaires), soit parce que les familles qui s’allient appartiennent à un même milieu professionnel. Ou comme je l’ai évoqué, parce qu’il faut si possible éviter les interdits canoniques dans les temps les plus reculés. Il est donc important, après une telle analyse de circuits matrimoniaux et de réseau d’alliances, de revenir ensuite sur les sources d’archives pour étudier l’origine de ces échanges et de ces relations rapprochées. Je vous renvoie aussi vers le logiciel Ancestris que m’a suggéré Zurga Lelong et qui propose aussi des graphes de réseaux de parenté, et je l’en remercie aussi pour cela. Enfin voici une présentation de synthèse de Puck en page 16 et 20.

A bientôt pour un autre post.

Laurent NABIAS

Identifiez vos ancêtres aux XIIIe et XIVe siècles à Paris?

Identifiez vos ancêtres aux XIIIe et XIVe siècles à Paris?

Trouver des ancêtres non nobles autour de Paris au XIVe siècle ?

Remonter une ascendance francilienne jusqu’au XIIIe siècle sans être obligatoirement d’ascendance noble est tout à fait possible. Cependant, avec patience et persévérance, vous pouvez découvrir de précieuses informations sur vos ancêtres et mieux comprendre leur vie au Moyen Âge. Je voudrais décrire ici des gisements exceptionnels de sources qui pourraient aider les généalogistes à les retrouver. Mais qui dit habituellement gisement de ressources implique des instruments de recherche conséquents sans lesquels on ne peut rien trouver. Or les institutions commencent à préparer la mise en ligne de ces instruments de recherche, ce qui pourrait bouleverser nos habitudes. Cet article de blog propose de faire un point sur la situation.

Je vais évoquer deux types de sources, une relativement connue, celle du Parlement de Paris, l’autre un peu moins, celle de l’Institut de Recherche et d’Histoire des Textes (IRHT). La Bibliothèque nationale de France conserve également des fonds précieux pour la recherche généalogique, et feront l’objet d’un prochain article.

Accords et transactions au Parlement de Paris –

Les Archives nationales conservent d’abord un gigantesque fond inépuisable, celui du Parlement de Paris, qui contient des documents judiciaires et administratifs datant du Moyen Âge. Le Parlement de Paris était une instance judiciaire exceptionnelle, issue de la Curia Regis, une cour judiciaire unique dans le royaume jusqu’au Xve siècle date à partir de laquelle des cours provinciales sont créés. Il juge en premier ressort ou en appel, au Civil comme au Criminel. Son premier acte écrit date de 1254. Ce fonds est décrit de manière très précise par Françoise Hildesheimer (F. Hildesheimer et M. Morgat-Bonnet, État méthodique des archives du Parlement de Paris, Paris, Archives nationales, 2011).

La fonds du Parlement de Paris est composé de trois séries principales, la série X1 des registres du Parlement Civil, la série X2 des registres du Parlement Criminel, avec des actes principalement en latin, et la plus intéressante de toutes à mon avis, la sous-série X1C des registres factices des accords ou transactions homologués par le Parlement de Paris, les parties n’étant pas passées devant les juges. Dans cette dernière partie, on trouve de nombreux actes en ancien français. Cet ensemble de sources concerne certes des nobles, mais aussi, et dans une part de plus en plus importante, des bourgeois et même des individus plus modestes. Elles contiennent de nombreuses mentions de relations entre individus et donc de relations de parenté. Je n’évoquerai pas dans le détail les procédures judiciaires et notamment les enquêtes mises en place par Saint Louis, le fondateur de l’institution.

Je souhaite surtout parler des instruments de recherche qui ont pour objet le Parlement médiéval. Les Archives nationales avec le concours du Centre d’étude d’Histoire Juridique (CEHJ) ont mis en place plusieurs milliers de fiches papier indexées suivant le nom ou suivant la matière. Certaines fiches enrichissent des bases de données existantes mais ces bases de données ne traitent que quelques périodes isolées du fonds, comme on peut le constater sur le site de l’Institut d’Histoire du Droit https://bdd.ihd.cnrs.fr/spip.php?rubrique3. La sous-série X1C n’est pas concernée. Or l’ensemble de ces fiches a été numérisé, j’espère qu’un jour elles seront mises en ligne.

Les sources bourgeoises à l’Institut de Recherche et d’Histoire des Textes en cours de numérisation

archive irht scaled

Autre source moins connue : celle de l’Institut d’Histoire et de Recherche des Textes, qui contient des documents historiques et littéraires datant du Moyen Âge.  Pour aborder cette source, je souhaite d’abord dresser un bilan historiographique rapide sur les travaux des historiens médiévistes qui ont eu pour objet l’étude de la bourgeoisie parisienne, Anne Terroine, Boris Bove, Caroline Bourlet et Daniele Prévost.  Ils sont très utiles pour la recherche généalogique. Ce sont quelques-uns des historiens médiévistes dont les travaux peuvent être pertinents pour votre recherche.

Ils ont tous utilisé une méthode un peu particulière, la prosopographie médiévale. La prosopographie médiévale est l’étude collective de groupes sociaux à partir de sources historiques. Elle permet d’analyser les caractéristiques communes des individus, telles que leur origine géographique, leur statut social, leur profession, leurs relations de parenté, leur carrière professionnelle, etc.

Ainsi Anne Terroine a rédigé en 1940 une thèse intitulée Recherches sur la bourgeoisie parisienne au XIIIe siècle. Si la thèse date, elle a cependant initié un fichage systématique des bourgeois parisiens dont elle a retrouvé la trace dans les archives laïques, dont celles du fonds du Parlement de Paris, ou religieuses. Ce fichier est localisé à l’Institut de Recherche et d’Histoire des Textes sur le Campus Condorcet au nord de Paris. Ayant visité le site et ayant eu accès au fichier, j’ai aussi appris que cet immense dépôt de fiches papier était en cours de numérisation pour une prochaine mise en ligne !!! A surveiller donc de très près.

fiches irht

La thèse de Danièle Prévost est également d’une très grande richesse. Sa thèse s’intitule “Le personnel de la Chambre des Comptes de Paris de 1320 à 1418” : il s’agit d’une étude sur le personnel de la Chambre des Comptes de Paris pendant cette période (Danièle Prévost, “Le personnel de la Chambre des Comptes de Paris de 1320 à 1418”, Thèse de doctorat en Histoire sous la direction de Claude Gauvard, Université de Poitiers, 2000). Beaucoup de ces individus ne sont pas nobles mais profitent du recrutement massif d’un personnel spécialisé dans le droit et les finances nécessaire au fonctionnement des institutions royales en cours de développement. Ainsi cette thèse peut être utilisée comme source d’informations pour comprendre l’organisation et le fonctionnement de la Chambre des Comptes, mais aussi et surtout pour étudier les carrières et les rôles des personnes qui y travaillaient, qu’il s’agisse de bourgeois ou non, d’anoblis de fraiche date ou de nobles. Elle est aussi entreposée à l’IRHT.

Enfin Boris Bove et Carole Bourlet sont aussi connus pour avoir réalisé des travaux prosopographiques et des fiches individuelles sur ces mêmes personnages. Les travaux de Boris Bove (Boris Bove, « Dominer la ville : prévôts des marchands et échevins parisiens (1260-1350) », Thèse de doctorat en Histoire sous la direction de Martin Aurell, Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, 2000) et Caroline Bourlet sont des références importantes pour comprendre l’histoire médiévale de Paris et les mutations de l’aristocratie parisienne du XIIe au XVe siècle (Boris Bove, Caroline Bourlet, « Noblesse indigène,noblesse de service et bourgeoisie anoblie : les mutations de l’aristocratie parisienne (XIe-XVe siècles) », dans Les nobles et la ville dans l’espace francophone (XIIe-XVIe siècles), dir. T. Dutour, Paris, PUPS, 2010, p. 161-198). Leurs recherches portent sur des sujets tels que la noblesse indigène, la noblesse de service et la bourgeoisie anoblie. La thèse de Boris Bove est aussi entreposée à l’IRHT.

En conclusion, il est possible de retrouver des ancêtres non nobles en Île-de-France dès le XIIIe siècle grâce à l’utilisation de la prosopographie médiévale, aux travaux des historiens médiévistes et aux instruments de recherche en cours de numérisation, bientôt mis en ligne !!  C’est par exemple une recherche que je suis en train de mener sur Robert de Lorris, un bourgeois financier assez connu sous Philippe VI et surtout Jean II le Bon et anobli. Beau-frère d’Etienne Marcel avec lequel il eut quelques relations orageuses, il fut victime de la destruction de plusieurs de ses châteaux pendant la Grande Jacquerie qui a touché la région parisienne en 1358. Il dut d’ailleurs « renier noblesse » lors de cet épisode facheux. Ce fut aussi un des possesseurs du château de Montepilloy dans l’Oise pour lequel j’effectue quelques recherches historiques.

Ou comment allier histoire du patrimoine, la grande Histoire et la généalogie bourgeoise dans les fonds du Parlement de Paris et de l’IRHT des XIIIe et XIVe siècles.

2-Réseaux d’alliances matrimoniales

2-Réseaux d’alliances matrimoniales

Perplexité devant les implexes…

Il arrive fréquemment que nous nous trouvions face à des cas d’implexes particulièrement complexes pour diverses raisons. J’ai rencontré un tel cas lors de mon étude d’une famille de fermiers de l’Artois dans le cadre de mon Diplôme d’Université de généalogie à Nîmes. Ces familles aisées de la paysannerie occupaient une position éminente dans la hiérarchie, et certains de leurs membres sont devenus députés à l’Assemblée constituante aux côtés de Robespierre.

Je souhaiterais exposer ici plusieurs méthodes pour rendre plus intelligible et plus significative cette complexité. Les imbrications complexes peuvent inciter à créer des arbres généalogiques comme celui qui figure dans l’image qui suit. Je serais incapable de réaliser cet arbre avec Hérédis. Dans de tels cas, je recommande l’utilisation du logiciel Genopro. Identifier les familles qui se rapprochent les unes des autres et déchiffrer les stratégies matrimoniales peut se révéler complexe et exigeant. Dans la configuration qui nous intéresse ici, les implexes connectent quatre groupes principaux d’individus représentés en vert, bleu, rouge et jaune pour plus de clarté.

Cette affaire m’a conduit à contacter les Archives Apostoliques Vaticanes pour obtenir des copies de dispenses de consanguinité de niveau 2, autorisées seulement par le Pape. Bien que les dispenses de niveau 3 et 4 aient été accordées par l’évêque d’Arras, elles ont été perdues dans un incendie durant la Première Guerre mondiale. Cela m’a poussé à me tourner vers le Vatican pour obtenir ces documents de dispense de consanguinité de niveau 2. Pour l’anecdote, la famille concernée s’appelait PAYEN (véridique) et j’ai commis l’erreur de m’adresser dans mon email au secrétaire des Archives Secrètes du Vatican, en tant que fervent admirateur du film Anges et Démons. Heureusement pour moi, le secrétaire du préfet des ASV m’a corrigé aimablement dans sa réponse en français tout en m’informant qu’après des recherches bibliographiques dans leurs inventaires, ils n’avaient pas retrouvé ces documents.

Image d'implexes

De l’utilité de l’analyse des réseaux d’alliance

Cette situation m’a conduit à envisager d’autres méthodes et l’utilisation notamment de l’analyse des réseaux. Des généralités d’analyse de réseau ont déjà été abordées dans un article de la revue française de généalogie (Tony Neulat, « Comment modéliser un réseau familial ? », dans La revue française de Généalogie, n°265, avril-mai 2023). Cet article ici se concentre sur une autre approche, l’analyse des réseaux matrimoniaux, utilisant les logiciels d’analyse Puck et Pajek, pour reconstituer le réseau d’alliances entre les familles à partir du fichier GEDCOM des mariages. Voici une représentation de mon réseau d’alliances, synthétisant mes imbrications.

alliance

Cette méthode offre plusieurs avantages. Elle simplifie la visualisation des relations, mettant en évidence les alliances matrimoniales préférentielles entre certaines familles. Elle permet aussi d’identifier les réseaux d’échanges anthropologiques de femmes, autres preuves de leur rapprochement. Sur le graphe ci-dessus, les nœuds du réseau représentent les patrilignées et les mariages forment les liens entre ces nœuds. L’épaisseur des liens est proportionnelle au nombre de mariages qui relient les deux nœuds. Ce nombre, appelé le poids du lien, est mentionné au niveau de chaque trait.

Précisons également que la taille des nœuds est proportionnelle au nombre de liens qui relient le nœud aux autres nœuds du réseau, donc aux autres patrilignées. Plus une famille est reliée aux autres dans le réseau, plus la taille du nœud est importante, plus la famille est centrale dans le réseau d’alliances. Enfin, Les liens sont orientés, montrant qu’une femme d’un patrilignée A qui est « donnée » (au sens anthropologique du terme donné par Levy-Strauss j’entends bien) à la patrilignée B.

Il ne s’agit donc pas de représenter les relations entre familles vivantes au même moment, mais de répertorier sur une période assez étendue des mariages répétées qui ont uni ces groupes d’individus. L’objectif est de visualiser sur un même schéma les mariages consanguins, les redoublements ou les enchaînements d’alliance.

Centralité de certaines familles et échanges de bons procédés…

En raison de la limitation du corpus généalogique, le résultat est un graphe relativement succinct, mais suffisamment illustratif de la puissance du modèle. On peut identifier au moins trois configurations.

D’abord, l’endogamie est indiquée par un nœud formant une boucle sur lui-même, reflétant un mariage au sein de la même patrilignée (le même nœud du réseau) et donc un mariage consanguin. Par exemple, on peut observer une boucle d’épaisseur 2 sur les Payen, représentant les deux mariages consanguins parmi les Payen abordés avec les Archives Apostoliques Vaticanes.

L’échange restreint de femmes, quant à lui, se matérialise par une chaîne composée de deux arcs orientés en sens inverse, reliant deux nœuds du réseau Un échange restreint de femmes a lieu entre deux patrilignages lorsqu’une famille A, après avoir donné une fille à une famille B, en reçoit une autre en retour. Nous constatons sur le graphe qu’un trait d’épaisseur 2 relie les Payen aux Thelu, tout comme entre les Payen et les Bachelet. Cela indique qu’un redoublement de mariages (deux mariages) a eu lieu dans le temps entre Payen et Thelu, ainsi qu’entre Payen et Bachelet. Toutefois, dans chaque cas, les flèches sont orientées dans la même direction, signifiant qu’une femme est donnée par les Payen aux Thelu ou aux Bachelet. Par conséquent, il n’y a pas d’échange restreint

L’échange généralisé, en revanche, est une séquence de liens au sein du réseau d’alliances, comprenant au moins trois arcs orientés dans le même sens. Cela se traduit par un échange de femmes généralisé entre plusieurs patrilignées. Dans ce schéma, une patrilignée A cède une femme à une patrilignée B, qui à son tour cède une femme à une patrilignée C, de manière successive dans le temps. Lorsqu’après cette série d’alliances impliquant au moins trois patrilignées (on parle alors de réenchaînement de mariages), une fille de la patrilignée C est rendue à la patrilignée A, le cycle se clôt, et l’échange généralisé est accompli.

Dans notre exemple, le graphe ci-dessus illustre une relation à trois entre Bancourt, Bachelet et Leblond : les Leblond offrent une femme aux Bachelet et une autre aux Bancourt. En contrepartie, les Bancourt reçoivent une femme des Bachelet. Il est essentiel à ce stade de définir l’ordre chronologique des unions pour établir les liens de causalité et développer des hypothèses sur l’origine de ces relations. Mais hélas, dans ce contexte, la succession des liens fléchés ne forme pas un circuit fermé, ce qui signifie qu’il n’y a pas d’échange généralisé de femmes entre les trois patrilignées.

Enfin, si l’on observe la taille des nœuds, en se basant sur le nombre de liens matrimoniaux (simples ou multiples) reliant ces nœuds aux autres patrilignées, il est notable que les Payen occupent la première place, suivis des Bancourt et des Bachelet. En effet, les Bancourt occupent une position particulière dans le réseau : si l’on les retire, la moitié du réseau disparaît. Les Bancourt sont étroitement interconnectés avec d’autres patrilignées plus modestes, telles que Hillairet et Thieble.

Une offre de service utile pour les particuliers et les associations…

Je tiens à souligner que si cette méthode est appliquée à un groupe restreint de familles, elle peut se révéler particulièrement efficace à l’échelle d’un village complet pour lequel les mariages sont documentés sur une longue période. Cela peut également s’appliquer aux registres paroissiaux ou à des registres couvrant une petite région, si certaines alliances sortent du cadre villageois pour impliquer des villages voisins. Ces services professionnels font partie intégrante de ce que je propose en tant que généalogiste professionnel. Mais il est prévu de présenter de manière détaillée en accès ouvert la méthode utilisée (qui est abordée dans mon mémoire de DU et dans ma thèse sur mon site web). En attendant des articles complémentaires de vulgarisation, voici une présentation de synthèse de Puck en page 16 et 20.

Mon exposé se concentre principalement sur des techniques d’analyse qui offrent une perspective novatrice sur un corpus généalogique.  Certes, un mariage s’explique aussi par d’autres raisons que le fait de conclure un échange de femme au sens anthropologique du terme. Il est indéniable qu’un mariage ne trouve pas uniquement son explication dans le simple échange d’une femme, selon la perspective anthropologique. Isabelle Aubun aborde ce point dans son article sur les implexes dans le Mémo Nantais. Les mariages au XIXe siècle ou dans l’Ancien Régime ne se produisent pas par hasard, mais constituent souvent le fruit de stratégies matrimoniales élaborées.

Ces unions peuvent être motivées par des raisons successorales ou par la transmission de terres, ce qui était particulièrement prévalent dans le contexte de l’intense marché foncier qui touchait nos ancêtres D’autre part, des considérations financières peuvent également entrer en jeu. Par exemple, l’union de deux frères avec deux sœurs avait l’avantage d’éviter la constitution d’une dot ou les complications liées à des partages inégalitaires. Parfois, les mariages étaient le fruit de familles provenant du même milieu professionnel. Enfin, sous l’Ancien Régime, l’objectif était de contourner les interdits canoniques (Pour plus de précisions sur les interdits canoniques plus nombreux qu’on ne le croit, en attendant un futur article de blog sur la question, voir Anita Guerreau-jalabert, « Prohibitions canoniques et stratégies matrimoniales dans l’aristocratie médiévale de la France du Nord » dans Pierre Bonte (éd.), Épouser au plus proche: inceste, prohibitions et stratégies matrimoniales autour de la Méditerranée, Paris, Éd. de l’École des hautes études en sciences sociales, 1994, p. 293‑321).

J’avais déjà décrit dans le détail l’utilisation de ces logiciels et de ces techniques dans un ancien blog, mais j’ai dû fermer ce dernier, étant non conforme RGPD. Je reproduirai donc mes anciens articles traitant de ce sujet en travaillant leur vulgarisation.

La visionneuse IIIF: une révolution généalogique en marche –

La visionneuse IIIF: une révolution généalogique en marche –

Qu’est-ce-que IIIF ?

 

N’avez-vous jamais rencontré de difficulté pour zoomer en profondeur l’image d’un acte de l’état civil ? Ne vous êtes-vous jamais acharné sur l’affichage en haute résolution d’une image cadastrale pour l’imprimer ensuite dans votre future publication ? Parvenez-vous systématiquement à déchiffrer une écriture ancienne en zoomant sans perdre en résolution d’image ? Ne vous êtes-vous pas acharné contre la visionneuse de telle archive départementale qui ne fonctionnait pas comme la visionneuse de votre centre préféré ?

Hé bien non, toutes ces tracasseries seront bientôt derrière vous !! La visionneuse IIIF, une révolution généalogique en marche !! Ce nouveau standard va bientôt résoudre tous nos problèmes d’affichage d’images numérisées. IIIF, qui siginife International Image Interoperability Framework, est déjà un signe que vous pu déjà croiser au détour d’une publication. Il suffit pour cela de lire le dernier numéro de la revue française de généalogie du mois de juin (le n°266), mais en encart promotionnel à la fin de la revue… Alors que ce nouveau standard d’échange de données aurait dû paraitre en première page. Et pour cause…

Sans trop rentrer dans les détails techniques qui feront l’objet d’un autre article de blog, IIIF est décrit comme, à la fois, une communauté et un nouveau cadre d’interopérabilité des images. Personnellement, je parlerais plutôt de nouvelles briques technologiques. Elles permettent l’affichage sur n’importe quelle plateforme compatible IIIF de données structurées, les données techniques propres aux images certes, mais aussi les données liées. J’entends par là les métadonnées descriptives de l’image, la table de matière cliquable du document, le résultat de l’océrisation du texte cherchable, et tout autre type d’annotations. Pour les annotations, je pense aux transcriptions collaboratives ou aux renvois vers des commentaires de pages extérieures servant à analyser le document en question. En attendant d’ailleurs une analyse plus approfondie, allez donc voir le site du logiciel Adno, une perle (https://adno.app/fr/) Et pour couronner le tout, bien sûr, toutes ces données ne quittent pas le serveur sur lequel elles sont hébergées.

 Dans ce premier article de blog dédié à IIIF, nous nous limiterons aux deux principaux centres d’intérêt du standard IIIF: le zoom puissant et l’interopérabilité des images. Cette dernière permet l’affichage d’images IIIF superposées dans une visionneuse multifenêtres pour visualiser des informations de différente nature, ou pour comparer les images entre elles.

Le zoom profond

 

Le standard IIIF manipule des images haute résolution au format jpeg 2000. JPEG 2000 est une norme de compression d’images et peut travailler avec ou sans perte d’information. Ses performances en compression (avec et sans perte) sont supérieures à celle du JPEG. On obtient donc des fichiers d’un poids inférieur à qualité d’image égale. De plus, les contours nets et contrastés sont mieux rendus. Ainsi la compression des images jpeg2000 assure un affichage zoomé de ces images haute définition sans perte de résolution, ce qui est très utile dans le cas des cadastre. Bien sûr, pour que tout cela fonctionne, on part sur l’hypothèse que les archives départementales ont déjà numérisé en JPEG2000 ou ont déjà converti leur ancien format d’image JPEG ou/et TIFF dans ce nouveau format.

De plus, ces images ont l’avantage d’être décomposées en pavés indépendants (ou tiles en anglais ou tuiles) de plus ou moins grande taille, déjà générées au moment du chargement de l’image. Les tuiles adaptées au niveau de zoom s’affichent directement à l’écran, ce qui accélère l’affichage du zoom et donne une impression de fluidité.

Maintenant, appliquons donc ce concept à un personnage connu du Val d’Oise, Monsieur Vincent Van Gogh. Il est décédé le 29 juillet 1890 à Auvers-sur-Oise. Voici le permalien de son acte de décès vu dans la visionneuse IIIF des archives départementales du Val d’Oise : https://archives.valdoise.fr/ark:/18127/vta520327007e441/daogrp/0/75. Nous remarquons déjà dans la visionneuse la force du zoom profond.

Acte de décès de Vincent Van Gogh dans la visionneuse IIIF des archives du Val d'Oise


Acte de décès de Vincent Van Gogh, Registre des naissances, mariages et décès de la commune d’Auvers-sur-Oise, 1889-1894, Archives départementales du Val d’Oise, 3E 12 50, n°60, image n°75/355

Zoom profond de l’image précédente pour connaître l’identité de l’individu


Zoom profond de l’image précédente pour connaître l’identité de l’individu

La construction de l’espace de visualisation

 

Maintenant, je propose de pousser plus loin le standard IIIF dans ses retranchements. Toutes ces données IIIF sont interopérables : il est tout à fait possible de rapatrier toute sorte d’objets IIIF dans un même espace de visualisation multifenêtres. Ce dernier est une page web gérée par le logiciel de la visionneuse Mirador, qu’on peut obtenir sur https://portail.biblissima.fr/m3/?theme=dark .

Visionneuse Mirador - site de démonstration du portail Biblissima

 

Visionneuse Mirador – site de démonstration du portail Biblissima

 

 

 

Il suffit pour cela de rapatrier des documents dans la visionneuse Mirador, provenant de bibliothèques et d’archives numériques compatibles au standard IIIF pour les afficher, qu’il s’agisse de métadonnées textuelles ou d’images. Cette visionneuse permet de zoomer, comparer et annoter des images haute résolution. De plus, elle exploite à distance les données exposées provenant de ces différentes sources numériques. Toutes ces données restent hébergées dans leurs entrepôts respectifs. Comme nous l’avons déjà indiqué, c’est tout l’avantage du standard IIIF.

Mais ce protocole interopérable ne devient intéressant que si de nombreuses institutions adoptent ce standard. Or justement, France Archives et Biblissima mènent actuellement une campagne de sensibilisation dans l’ensemble des archives départementales pour que ce même format soit adopté. Il est déjà utilisé par de nombreux musées et bibliothèques dans le monde. Et quatre archives départementales l’ont déjà mis en place : celle de l’Aisne, du Val d’Oise, des Deux-Sèvres et de la Vienne, auxquelles se rajoutent depuis peu les archives départementales de Haute Garonne (https://francearchives.gouv.fr/fr/article/714850036).

Reprenons notre exemple de l’acte de décès de Vincent Van Gogh. À droite de l’image de la visionneuse, nous remarquons l’existence de l’URL du manifest IIIF. Le manifest au format json encapsule toutes les données du registre d’état civil, la composition du registre en liste d’images successives, le format d’image, les métadonnées descriptives et les services associées comme le service de recherche dans le texte océrisé, les transcriptions et d’autres annotations. Mais ici, il suffit de copier l’url du manifest et de l’ajouter dans la visionneuse Mirador :

Visionneuse Mirador - site de démonstration du portail Biblissima

 

Visionneuse Mirador – site de démonstration du portail Biblissima

Et voici le résultat:

Acte de décès de Vincent Van Gogh dans la visionneuse IIIF des archives du Val d'Oise

Acte de décès de Vincent Van Gogh, Registre des naissances, mariages et décès de la commune d’Auvers-sur-Oise, 1889-1894, Archives départementales du Val d’Oise, 3E 12 50, n°60, image n°75/355

Or nous aurions bien aimé associer en juxtaposition à droite son acte de naissance aux Pays-Bas. Nous avons bien retrouvé son acte de naissance dans les archives de Zundert aux Pays-Bas, dans la province du Brabant, le 30 mars 1853. Certes, l’image bénéficie là aussi d’un zoom profond, https://images.memorix.nl/wba/download/large/af535140-9423-12f9-3a3e-b7910ec886c4.jpg mais elle n’est pas au standard IIIF, ne possède pas de manifest IIIF et je ne peux donc pas l’ajouter à droite de son acte de décès dans Mirador.

Acte de naissance de Vincent Van Gogh

 

Archives du West Brabant à Brabant (Pays-Bas), L’état civil des naissances Archief van de gemeente Zundert, 1811-1927, Bron: boek, Part: 2221, Période: 1853, Zundert, archives raw – 1351, numéro d’inventaire 2221, 30 mars 1853, Geboorteregister 1853, n°29

La juxtaposition des informations sur un même espace

 

Je choisis alors de remplacer l’acte de naissance par quelques tableaux du maître entreposés à la fois dans la bibliothèque numérique Gallica et dans celle du musée Getty, qui proposent toutes les deux des images au format IIIF. On pourra ainsi comparer le tableau des Irises conservé dans les deux dernières institutions. J’effectue d’abord ma première recherche dans Gallica. On remarque dans la colonne d’informations à gauche de l‘image le bouton IIIF, en haut.

Gallica IIIF 1

 

Bibliothèque nationale de France, RESERVE EH9-1 (217-218)

Je clique sur le bouton IIIF et je bascule dans la visionneuse IIIF proposée dans Gallica. On remarque au passage que le zoom a complètement changé de nature et on apprécie la célérité et la profondeur du zoom par rapport à la visionneuse Gallica classique. Je m’aperçois aussi que Gallica me propose deux vues du tableau :

Iris (1889) par Vincent Van Gogh] dans la visionneuse IIIF de G

 

Bibliothèque nationale de France, RESERVE EH9-1 (217-218)

Après un clic sur le bouton d’information « i » en haut à droite, je copie l’URL du manifest https://gallica.bnf.fr/iiif/ark:/12148/btv1b6904164c/manifest.json qui se trouve en bas des métadonnées descriptives en bas à droite, et je le colle dans la visionneuse Mirador, à côté de l’acte de décès. Toutes les fonctionnalités des deux visionneuses d’origine sont conservées dans chaque fenêtre de Mirador. Je peux donc parcourir les pages du registre à gauche ou sélectionner la seconde image du tableau à droite. Je fige ensuite le réglage de chaque fenêtre pour imprimer le tout.

Mirador acte naissance Gallica 1

 

Acte de naissance de Vincent Van Gogh et un de ses tableaux dans Gallica

De même, je constate que dans la bibliothèque numérique du Getty Museum, j’ai une autre image du tableau des Iris de Van Gogh :

Tableau des Iris de Vincent Van Gogh exposé au musée du Getty, New York

 

Oeuvre : les Iris Artiste : Vincent van Gogh (Dutch, 1853 – 1890) Date: 1889 Musée du Getty Œuvre dans le domaine public

Je décide donc de récupèrer l’URL du manifest et je l’ajoute dans notre visionneuse Mirador. Avantage ultime, je n’ai pas besoin de mettre en légende les droits de réutilisation associés à chaque image, puisque je peux les afficher dans chaque visionneuse de chaque fenêtre.

Acte de naissance de Vincent Van Gogh et deux variantes de son œuvre Les Iris

 

Acte de naissance de Vincent Van Gogh et deux variantes de son œuvre Les Iris

Sitographie

Pour en savoir plus sur IIIF, voici la page phare en français :

https://iiif.biblissima.fr/#iiif-collections

https://doc.biblissima.fr/iiif/introduction-iiif/#vision

Liens possibles concernant IIIF et la généalogie en archives :

https://francearchives.gouv.fr/fr/article/714850036

https://francearchives.gouv.fr/fr/article/705250527

https://www.rfgenealogie.com/infos/la-visionneuse-iiif-un-nouvel-outil-pour-quatre-services-d-archives

Liens sur la visionneuse Mirador multifenêtrage mais pas encore dédiée à la généalogie :

https://mirador-dev.netlify.app/__tests__/integration/mirador/

https://demos.biblissima.fr/mirador3/

https://demos.biblissima.fr/mirador/

https://iiif.biblissima.fr/collections/

https://ig.hypotheses.org/1442

Pin It on Pinterest