Trouver des ancêtres non nobles autour de Paris au XIVe siècle ?
Remonter une ascendance francilienne jusqu’au XIIIe siècle sans être obligatoirement d’ascendance noble est tout à fait possible. Cependant, avec patience et persévérance, vous pouvez découvrir de précieuses informations sur vos ancêtres et mieux comprendre leur vie au Moyen Âge. Je voudrais décrire ici des gisements exceptionnels de sources qui pourraient aider les généalogistes à les retrouver. Mais qui dit habituellement gisement de ressources implique des instruments de recherche conséquents sans lesquels on ne peut rien trouver. Or les institutions commencent à préparer la mise en ligne de ces instruments de recherche, ce qui pourrait bouleverser nos habitudes. Cet article de blog propose de faire un point sur la situation.
Je vais évoquer deux types de sources, une relativement connue, celle du Parlement de Paris, l’autre un peu moins, celle de l’Institut de Recherche et d’Histoire des Textes (IRHT). La Bibliothèque nationale de France conserve également des fonds précieux pour la recherche généalogique, et feront l’objet d’un prochain article.
Accords et transactions au Parlement de Paris –
Les Archives nationales conservent d’abord un gigantesque fond inépuisable, celui du Parlement de Paris, qui contient des documents judiciaires et administratifs datant du Moyen Âge. Le Parlement de Paris était une instance judiciaire exceptionnelle, issue de la Curia Regis, une cour judiciaire unique dans le royaume jusqu’au Xve siècle date à partir de laquelle des cours provinciales sont créés. Il juge en premier ressort ou en appel, au Civil comme au Criminel. Son premier acte écrit date de 1254. Ce fonds est décrit de manière très précise par Françoise Hildesheimer (F. Hildesheimer et M. Morgat-Bonnet, État méthodique des archives du Parlement de Paris, Paris, Archives nationales, 2011).
La fonds du Parlement de Paris est composé de trois séries principales, la série X1 des registres du Parlement Civil, la série X2 des registres du Parlement Criminel, avec des actes principalement en latin, et la plus intéressante de toutes à mon avis, la sous-série X1C des registres factices des accords ou transactions homologués par le Parlement de Paris, les parties n’étant pas passées devant les juges. Dans cette dernière partie, on trouve de nombreux actes en ancien français. Cet ensemble de sources concerne certes des nobles, mais aussi, et dans une part de plus en plus importante, des bourgeois et même des individus plus modestes. Elles contiennent de nombreuses mentions de relations entre individus et donc de relations de parenté. Je n’évoquerai pas dans le détail les procédures judiciaires et notamment les enquêtes mises en place par Saint Louis, le fondateur de l’institution.
Je souhaite surtout parler des instruments de recherche qui ont pour objet le Parlement médiéval. Les Archives nationales avec le concours du Centre d’étude d’Histoire Juridique (CEHJ) ont mis en place plusieurs milliers de fiches papier indexées suivant le nom ou suivant la matière. Certaines fiches enrichissent des bases de données existantes mais ces bases de données ne traitent que quelques périodes isolées du fonds, comme on peut le constater sur le site de l’Institut d’Histoire du Droit https://bdd.ihd.cnrs.fr/spip.php?rubrique3. La sous-série X1C n’est pas concernée. Or l’ensemble de ces fiches a été numérisé, j’espère qu’un jour elles seront mises en ligne.
Les sources bourgeoises à l’Institut de Recherche et d’Histoire des Textes en cours de numérisation
Autre source moins connue : celle de l’Institut d’Histoire et de Recherche des Textes, qui contient des documents historiques et littéraires datant du Moyen Âge. Pour aborder cette source, je souhaite d’abord dresser un bilan historiographique rapide sur les travaux des historiens médiévistes qui ont eu pour objet l’étude de la bourgeoisie parisienne, Anne Terroine, Boris Bove, Caroline Bourlet et Daniele Prévost. Ils sont très utiles pour la recherche généalogique. Ce sont quelques-uns des historiens médiévistes dont les travaux peuvent être pertinents pour votre recherche.
Ils ont tous utilisé une méthode un peu particulière, la prosopographie médiévale. La prosopographie médiévale est l’étude collective de groupes sociaux à partir de sources historiques. Elle permet d’analyser les caractéristiques communes des individus, telles que leur origine géographique, leur statut social, leur profession, leurs relations de parenté, leur carrière professionnelle, etc.
Ainsi Anne Terroine a rédigé en 1940 une thèse intitulée Recherches sur la bourgeoisie parisienne au XIIIe siècle. Si la thèse date, elle a cependant initié un fichage systématique des bourgeois parisiens dont elle a retrouvé la trace dans les archives laïques, dont celles du fonds du Parlement de Paris, ou religieuses. Ce fichier est localisé à l’Institut de Recherche et d’Histoire des Textes sur le Campus Condorcet au nord de Paris. Ayant visité le site et ayant eu accès au fichier, j’ai aussi appris que cet immense dépôt de fiches papier était en cours de numérisation pour une prochaine mise en ligne !!! A surveiller donc de très près.
La thèse de Danièle Prévost est également d’une très grande richesse. Sa thèse s’intitule “Le personnel de la Chambre des Comptes de Paris de 1320 à 1418” : il s’agit d’une étude sur le personnel de la Chambre des Comptes de Paris pendant cette période (Danièle Prévost, “Le personnel de la Chambre des Comptes de Paris de 1320 à 1418”, Thèse de doctorat en Histoire sous la direction de Claude Gauvard, Université de Poitiers, 2000). Beaucoup de ces individus ne sont pas nobles mais profitent du recrutement massif d’un personnel spécialisé dans le droit et les finances nécessaire au fonctionnement des institutions royales en cours de développement. Ainsi cette thèse peut être utilisée comme source d’informations pour comprendre l’organisation et le fonctionnement de la Chambre des Comptes, mais aussi et surtout pour étudier les carrières et les rôles des personnes qui y travaillaient, qu’il s’agisse de bourgeois ou non, d’anoblis de fraiche date ou de nobles. Elle est aussi entreposée à l’IRHT.
Enfin Boris Bove et Carole Bourlet sont aussi connus pour avoir réalisé des travaux prosopographiques et des fiches individuelles sur ces mêmes personnages. Les travaux de Boris Bove (Boris Bove, « Dominer la ville : prévôts des marchands et échevins parisiens (1260-1350) », Thèse de doctorat en Histoire sous la direction de Martin Aurell, Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, 2000) et Caroline Bourlet sont des références importantes pour comprendre l’histoire médiévale de Paris et les mutations de l’aristocratie parisienne du XIIe au XVe siècle (Boris Bove, Caroline Bourlet, « Noblesse indigène,noblesse de service et bourgeoisie anoblie : les mutations de l’aristocratie parisienne (XIe-XVe siècles) », dans Les nobles et la ville dans l’espace francophone (XIIe-XVIe siècles), dir. T. Dutour, Paris, PUPS, 2010, p. 161-198). Leurs recherches portent sur des sujets tels que la noblesse indigène, la noblesse de service et la bourgeoisie anoblie. La thèse de Boris Bove est aussi entreposée à l’IRHT.
En conclusion, il est possible de retrouver des ancêtres non nobles en Île-de-France dès le XIIIe siècle grâce à l’utilisation de la prosopographie médiévale, aux travaux des historiens médiévistes et aux instruments de recherche en cours de numérisation, bientôt mis en ligne !! C’est par exemple une recherche que je suis en train de mener sur Robert de Lorris, un bourgeois financier assez connu sous Philippe VI et surtout Jean II le Bon et anobli. Beau-frère d’Etienne Marcel avec lequel il eut quelques relations orageuses, il fut victime de la destruction de plusieurs de ses châteaux pendant la Grande Jacquerie qui a touché la région parisienne en 1358. Il dut d’ailleurs « renier noblesse » lors de cet épisode facheux. Ce fut aussi un des possesseurs du château de Montepilloy dans l’Oise pour lequel j’effectue quelques recherches historiques.
Ou comment allier histoire du patrimoine, la grande Histoire et la généalogie bourgeoise dans les fonds du Parlement de Paris et de l’IRHT des XIIIe et XIVe siècles.
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